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Contexte

Ecrit par Gérard Vabre, en 2009

  Je venais d’avoir vingt ans et me voilà embarqué au sein d’une équipe hétéroclite composé de trois étudiants fraîchement promus de l’Ecole supérieure d’agriculture de Purpan (ESAP école de jésuites), Vonvon et Charlie, inséparables copains depuis leur première année qui avaient jugé utile d’inviter EDF, un descendant d’aristo mal fini, à une découverte de l’Amérique laborieuse, de Bébert syndicaliste anarchisant de la CFDT briseur des chaînes de la privatisation de parkings et  de piscines de cité HLM, inventeur de Motorina, remonte pentes visible le 15 février 1976 au col de Peyressourde, du chauffage à huile vidange, et plus tard d’un filtre à essence Tampax-Chevrolet au brevet limité aux territoires des Algonquins et de Geneviève unique figure féminine du groupe, une proche de Bébert. 

Le voyage, organisé depuis la cité Ancely, après quelques distillations expérimentales de guignes agrémentées de tartine de Canigou (non canidés s’abstenir), accoucha de la liaison la plus économique Bruxelles-Montréal trouvée. Mais au préalable liaison Toulouse Bruxelles, en Opel-record gazogène  bricolée par Bébert. Itinéraire Ancely-Zaventem via Saint-Etienne (pour saluer les parents Vonvon) et Château-Thierry, pour prendre en charge EDF (Emmanuel De Flageac,  ainsi renommé par nous, car par ailleurs rapide comme un éclair).

   Bébert avait jugé utile d’encombrer son sac à dos d’une trousse mécanique basique, dont le seul outil moderne capable de venir à bout de toutes les situations était une pince-étau  Facom-France. Par la suite cette trousse s’enrichit des couverts métalliques chinés près la Sabena suivant les dires de Bébert au douanier québécois peu amène.  

N’ayant jamais vu Paris puis Bruxelles en vrai, je tombais par hasard sur le Manneken-pis près la grande place de Bruxelles à la nuit tombée. J’étais impressionné et chaque instant passé avait un goût nouveau qui stimulait ma curiosité. 

Je découvrais le camping sauvage sous tente canadienne fraîchement sortie des magasins la Hutte à Toulouse à Château-Thierry puis sur terrains aménagé à Bruxelles. 

Comme il pleuvait à notre arrivée à Bruxelles, je ne trouvais rien à redire. Lendemain, surprise soleil après dissipation des brumes et brouillards matinaux. 

Comme nous avions un vol à tarif réduit, il était normal que nous remplissions les sièges non retenus des vols réguliers ce qui divisa le groupe de 6 en trois parties de 2.

Le tirage au sort désigna Vonvon et moi-même pour établir la tête de pont à Dorval près la capitale de la Belle Province Montréal

A vrais dire ce fut plutôt le bon sens qui commanda cette formation, Von et Charlie avait déjà séjourné dans la Belle Province et connaissaient déjà pas les us et coutumes du lieu, comme avec EDF nos atomes idéaux s’entrechoquaient déjà, il fut jugé préférable de procéder de la sorte.

A bord du Boeing 707 de la Sabena je fis la connaissance d’Hélen Loher, une magnifique blonde louisianaise de la Nouvelle Orléans qui n’en était pas à son premier vol. Comme je trépignais à l’idée de découvrir la terre depuis le ciel, elle m’installa près du hublot ce qui  d’admirer le rivage des côtes irlandaises et les icebergs au large de Terre-Neuve. Elle me donna son adresse à New-Orleans, mais l’idée de la retrouver de dissipa très vite devant le douanier qui refusait obstinément mon entrée sur le territoire desUSA, au motif que le visa obtenu du consulat du Canada à Bordeaux n’était plus valable.

Finalement après deux heures de palabres et vérifications, il ajouta ricanant à notre adresse allez donc « prrraïmer l’ tabac ! »  Finies les rêveries près des filles du nouveau monde fallait me résoudre à épouser mon nouveau statut de nègre blanc de l’Amérique[1] auquel Vonvon n’avait eu cesse de préparer craignant mes réactions intempestives face aux patrons planteurs

                                                    


 
[1] Nègres blancs d'Amérique (1968) se veut une analyse marxiste de l'histoire du Québec et un programme d'avenir. Le livre se présente sous l'aspect d'une autobiographie écrite par Pierre Vallières pendant qu'il purgeait une peine dans une prison de Manhattan pour ses activités associées au FRONT DE LIBÉRATION DU QUÉBEC (FLQ). Le livre décrit son enfance marquée par la pauvreté et la frustration à l'époque de DUPLESSIS. Ses parents, de classe ouvrière, habitent Longueuil-Annexe et Vallières a une carrière en dents de scie : étudiant en philosophie, employé de bureau, postulant franciscain, écrivain. Il est l'ami du poète GastonMIRONet de l'intelligentsia associée àCITÉ LIBRE, àPARTI PRISet auDEVOIR. Il parle de sa « conversion » auMARXISME et de sa participation aux activités du FLQ à la suite d'un voyage en France et en Espagne. Aux yeux de Vallières, la classe ouvrière du Québec présente les caractéristiques d'un peuple colonisé. Les « nègres blancs » vivent dans une condition qui, selon lui, ne pourra être changée que par une révolution armée. Cette oeuvre est révisée et enrichie en 1969 puis traduite en 1971 sous le titre White Niggers of America. Auteur MICHELE LACOMBE, source http://www.thecanadianencyclopedia.com/index